PRÉSENTATION

Il y a deux pièces dans le Dom Juan de Molière :
Le mythe tout d’abord, un de ceux qui fondent notre culture.
La fascination qu’exerce le personnage de Dom Juan qui depuis le romantisme est moins un libertin que l’exemple d’un homme prométhéen, refusant les limites humaines et défiant le Ciel dans une rage grandissante, dérivant son spleen, son ennui existentiel dans une provocation à la mort avec un cynisme jubilatoire.
Contemporain il réunit deux attitudes face au caractère anxiogène de l’existence, de la condition humaine par rapport à la mort : la distraction, au sens pascalien du mot (pour Dom Juan les femmes) et la conduite à risque, la provocation de la mort (le blasphème le défi au Ciel).

Et puis il y a la farce. Molière attiré par les Italiens de Paris, la Comédia, le théâtre de tréteaux juxtapose avec l’univers des paysans, avec le personnage de Sganarelle une comédie apparemment très éloignée.

Monter Dom Juan avec la promotion sortante de l’Académie Théâtrale de Pékin c’est forcément sous une forme d’atelier, sinon la distribution serait par trop inégale, c’est donc se confronter de manière presque chorale à un monument, une “statue“ de l’histoire européenne.
Monter Dom Juan au pays de Confucius c’est l’exotisme certain de la provocation à la confrontation, de cette transgression permanente à un Ciel très marqué par la chrétienté où le désir brûle et consume forcément à la fin, où le défi est lancé toujours plus haut, par ennui, par spleen dans la volonté de franchir les limites étriquées de l’humain.
Monter Dom Juan dans une langue que je ne comprends pas m’attire d’autant plus que le pouvoir de classe à l’œuvre dans cette pièce se manifeste pour moi dans la maîtrise de la langue : Dom Juan est un magicien des mots qui hypnotise ce pauvre Sganarelle jusqu’à lui faire perdre tout repère.

Catherine Marnas