La Cie Parnas fait un éloge à l’imaginaire, jusqu’à samedi à La Friche Belle de Mai
"Banquet Fabulateur", le théâtre en partage
On entre par cinq, dans une salle Seita plongée dans l’obscurité. Une femme à la chevelure rousse glissée dans une robe de velours nous attend, une lanterne à la main. Elle nous invite alors à rejoindre la table dressée sous des lustres anciens à pampilles. Et nous propose de nous servir en vin rouge ou en jus de raisin. L’on se regarde alors, entre inconnus amusés, rassemblés là, à côté de cet homme au visage ensanglanté ou de cette belle brune dans sa toilette orange. Puis, une voix s’élève et nous donne la teneur de ce rendez-vous nocturne. Tout part donc du banquet de Platon : le mot grec "Sümposium" traduit par le mot "banquet" signifie littéralement "beuverie en commun". Mais il ne sera pas question d’ivresse ce soir-là. Plutôt d’exaltation, de célébration, "un concours d’éloquence, une quête de savoirs". Ensemble, dans les vapeurs du vin, nous allons porter des toasts à l’imaginaire. Enfin, eux, ces hôtes costumés au regard brillant. Un par un, ils vont se lever, le verre à la main, et déclamer des vers, de la prose, citer des éclats de textes, sous forme d’allocutions, de chants et de saynètes, voire de joutes verbales. Les auteurs et les époques se bousculent (Cyrano de Bergera, Faust, Sophocle, Shakespeare, Tchekhov...) ; les écritures se croisent ; les destins s’entrelacent ; le rire côtoie les pleurs ; le vaudeville, le pantomime ; la farce, la tragédie. Et la représentation classique vole en éclats. On boit alors les paroles de ces comédiens qui jubilent. On savoure avec eux le plaisir de jouer. On goûte au théâtre avec délectation. "Rien n’est humain qui n’aspire à l’imaginaire", écrivait Romain Gary. Avec ce Banquet fabulateur, on touche à l’essence même de notre espèce : l’appétence à se divertir. Tout simplement.
Annnabelle Kempff