LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ |

Adapter à la scène un roman récent récompensé par un grand prix littéraire est un défi redoutable. Catherine Marnas et la Compagnie Parnas l’ont relevé avec brio en proposant "Lignes de faille [1]", le récit et la mise en scène de la première époque de l’oeuvre de Nancy Huston, présente pour la création du spectacle.
Sur le plateau, l’histoire a constamment deux dimensions : le récitant de la génération la plus récente qui parle à la première personne, tout en étant partie prenante de la deuxième dimension, les personnages et les morceaux de vie qu’il raconte, ses ascendants et générations qui le précèdent.
(...) En trois heures, les acteurs nous font partager "les lignes de faille" par ordre rétrochronologique (le début d’une saga qui se poursuivra l’année prochaine, avec ce qui sera probablement "Lignes de faille [2]". Les époques sont marquées par des repères terminologiques qui datent incontestablement le propos. Référence à Google pour la première, le Liban avec Sabra et Chatila pour la deuxième.
Très sobres, le décor et la mise en scène magnifient surtout le très beau texte, récit des vies dont les destinées s’interpénètrent. L’interprétation est très convaincante et on attend avec impatience (dans une prochaine saison) les racines de cette saga où se mêlent religion, recherche et affirmation self identitaire, rites, croyances en non-dits et bons nombre d’émotions souvent douloureuses, à la fois intrafamiliales et inscrites dans l’Histoire.

HUSTON - MARNAS : rencontre au sommet
Juste avant la représentation, la romancière Nancy Huston venait de dédicacer ses ouvrages, dont "Lignes de Faille" (prix Fémina 2006), que Catherine Marnas allait mettre en scène dans une adaptation (première époque) de la Compagnie Parnas.
L’artiste associée au théâtre La passerelle était visiblement tendue avant la représentation. Elle peut être totalement rassurée avec le propos de Nancy Huston tout juste après la création sur scène de la pièce :
"Pauvre belle humanité ! Pour moi, c’est totalement bouleversant de voir prendre vie dans la réalité, des gens, des événements qui se sont passés dans ma tête. C’est comme un rêve éveillé !" devait souligner la romancière.
J.-P.C.