(...) Présenté à Marseille avant le Festival d’Avignon, "Si un chien rencontre un chat..." est un montage, tout en finesse, de courts textes, de correspondances et de pièces inachevées ou abouties de Koltès. Maurice et Monique perdus dans le noir de Quai Ouest, June et Carole escaladant le grillage d’un cimetière ou Henry sautant d’un pont de Sallinger, le Call couvert de merde dans Combat de nègre et de chiens, la bonniche Consuelo aux prises avec l’altière Madame Coco, La Félice en perm’ de La fuite à cheval très loin dans la ville : ceux-là, et d’autres, sont sur le fil de la vie, réfugiés dans de "dérisoires solitudes" sur ce plateau fait de containers mouvants ; en transit un plateau de théâtre qui est, comme une prison ou un désert, un "lieu provisoire dont on cherche à s’échapper pour retrouver la vraie vie", paradoxe amplifié par l’incertitude que la vraie vie existât quelque part...
(...) C’est dense, intense, bouillonnant (...) - jusqu’à ce que l’hommage à Koltès se retourne, avant un poignant final mozartien, vers les Vingt ans qu’il (d’)écrivait lui-même à sa mère et que les jeunes gens se renvoient comme en boomerang : "C’est l’âge où je risque ma vie, mon avenir, mon âme, tout, dans l’espoir d’obtenir plus ; c’est l’âge où je travaille sans filet. C’est terrible, bien sûr... mais n’est-ce pas cela, vivre ?" À la Criée, et bientôt à Avignon, sans filet mais avec coeur, c’est sûr : ils vont vivre.
DENIS BONNEVILLE