Un lapin blanc s’affole en regardant l’heure !
Alice le suit !
Elle grandit !
Elle rapetisse !
Elle manque de se noyer dans la mare de ses larmes !
Un ver à soie fume le houka !
Un chat sourit de toutes ses dents parce qu’il est du Cheschire !
Des cartes vivantes peignent un rosier blanc en rouge !
Une reine de cœur qui n’en a pas…
Mais tout cela n’est qu’un rêve.
On a coutume de dire qu’Alice n’est pas seulement un conte pour enfant. Ce qui veut dire qu’il l’est aussi. Dans cette Alice racontée aux tous petits qui nous a servi de matière au spectacle, Lewis Carroll a l’ambition d’être « lu par des enfants de zéro à cinq ans. D’être lu ? Non pas ! Disons plutôt d’être manipulé, gazouillé, mis à l’oreille du chien, chiffonné, embrassé par les chéris sans lettres, sans grammaire, mais avec des fossettes, qui remplissent votre chambre d’enfants d’un joyeux vacarme, et le cœur de votre cœur une incessante allégresse. »
Prenons-le au mot. Car avec Alice, Lewis Carroll nous invite à entrer dans le jeu : un jeu de théâtre où le texte sort du livre pour littéralement prendre corps, celui d’une comédienne qui prend en charge aussi bien le récit de l’histoire que les personnages que croisent son héroïne. C’est un jeu de rêve qui invite à l’étonnement et à l’émerveillement devant ce que nous croyons connaître. Un rêve où l’envers devient l’endroit et vice-versa : c’est une matière des plus visuelles où les corps changent, où les objets familiers surgissent, bougent, s’animent, se transforment, se métamorphosent pour devenir étrangers et renouveler le regard qu’on leur porte.
Les aventures d’Alice prennent l’allure d’un voyage initiatique : les rencontres qu’elle fait, les obstacles qui lui font face lui permettent de grandir. Lewis Carroll a conçu un conte très éloigné de la mièvrerie habituelle de la littérature enfantine, mais rejoignant cette vieille mission assignée au théâtre : plaire et instruire.
Alors fermons les yeux et entrons ensemble dans le rêve d’Alice qui est désormais notre rêve.