Ce texte est audacieux dans les liens qu’il établit entre un fait divers qui a marqué le Mexique et le théâtre. Bárbara Colio avait été impressionnée par "Roberto Zucco" de Koltès et je crois que son désir de faire théâtre et mythe à partir d’un fait réél en est inspiré.
La violence inouïe que connait le Mexique depuis quelques années (40.000 morts en 3 ans) et la rage impuissante qui se développe dans la population donnent à ce texte une acuité très forte. Tout récemment (avril 2011) a été diffusée dans le monde entier la lettre du poète Javier Sicilia dont le fils a été assassiné. Cette lettre de révolte : "Estamos hasta la madre" (qu’on pourrait pudiquement traduire par : "on n’en peut plus") dénonce une situation devenue insoutenable.
Bárbara Colio part, elle, de l’histoire réelle d’une mère dont le fils a été kidnappé et tué. Devant l’inactivité, voire la complicité des autorités et de la police, elle a mené sa propre enquête et alerté toute la capitale en payant l’affichage de panneaux publicitaires pour le retrouver, au péril de sa vie. "Je ne suis pas une poseuse de bombes, je suis seulement une mère qui cherche son fils" déclarait-elle quand les autorités essayaient de la discréditer ou de la menacer.
ANTIGONE
Bárbara Colio donne à cette histoire la dimension du mythe en la rapprochant de l’histoire d’Antigone et en situant donc l’action à Thèbes, une Thèbes néanmoins facilement reconnaissable où les oiseaux fuient la ville et où ouvre un luxueux centre commercial. (L’année du fait divers s’ouvrait sur Réforma, l’avenue principale de Mexico, un grand centre huppé).
Anna qui cherche son fils se retrouve donc confrontée au nouveau maitre de Thèbes, qui, tel Créon, lui oppose une autre logique. Sa soeur, comme Ismène, revendique la vie et l’oubli. Parallèlement, des speakers font la publicité du : "luxe, calme et volupté" du nouveau temple de la consommation. Un final pirandellien ramène la réalité de la peur quotidienne dans l’univers des acteurs.
L’écriture de Barbara Colio de facture plutôt classique et narrative mêle néanmoins habilement références directes contemporaines et citations de l’Antigone de Sophocle ou réalisme magique latino-américain.
Elle est assez représentative d’une nouvelle génération d’auteurs mexicains qui veulent écrire un théâtre plus en prise avec le monde immédiatement contemporain.
CATHERINE MARNAS
Avec :
Julien Duval
Franck Manzoni
Catherine Marnas
Olivier Pauls
Bénédicte Simon
Production :
Compagnie Dramatique Parnas
Avec le soutien de l’Institut Français
le 9 novembre 2011 à 20h00 |
Strasbourg (67) |
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le 21 octobre 2011 à 15h00 |
Bayonne (64) |
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le 10 octobre 2011 à 21h00 |
Marseille (13) |